Sur la concession et interinement des dictes lettres de rémission et pardon, mais aussy au fait des lettres de respit, cession et benefice d’inventoire et d’autres lettres de grace

Algemene Orde van 20 Oktober 1541, verzameling van verordeningen van Nederland(stad CRALI), tweede reeks, vol. 4: met daarin de orders van 9 Januari 1536 (1537 n. s.) au 24 december 1543, J. LAMEERE en H. SIMONT(red.), Brussel, 1907, p. 325, algemene volgorde van 20 oktober 1541.

L’ensemble de la législation des Pays-Bas relative à la grâce princière au XVIe siècle – ici l’ordonnance générale d’octobre 1541 qui synthétise les principes fondamentaux de l’octroi de diverses lettres de grâce – fait apparaître l’aspect polymorphe de cette grâce. Il importe de s’interroger sur les différentes formes que peut prendre la grâce princière. Dans le cadre de cette contribution, nous aborderons les grâces accordées en justice sous forme de lettres patentes. Il s’agit, entre autres, des grâces, des pardons, des rémissions, des rappels de ban et des abolitions. La compréhension des rapports entretenus entre ces lettres permet de mieux appréhender cet élément essentiel de la mise en scène du pouvoir par lui-même qu’est le droit de grâce1. Nous présenterons les différentes sources disponibles pour le Brabant aux XVIe et XVIIe siècles et esquisserons une méthode d’exploitation de ces sources.

La définition classique des différentes procédures suivies dans les lettres de grâce est la suivante : on distingue les ‘lettres de grâce’ […] parmi ces lettres figurent les fameuses « ‘lettres de rémission’, au moyen desquelles le roi interrompt le cours d’une procédure criminelle (souvent en cas d’homicide) en octroyant son pardon pour le crime commis ; les lettres de pardon (pour crimes moins graves) et d’abolition (pour collectivité) »2. Nous verrons que cette définition doit être nuancée par rapport à ce que l’on constate dans la pratique brabançonne. 

Il faut définir les éléments qui permettent de faire la distinction entre les différentes procédures de la grâce princière et déterminer la pertinence, l’opportunité et la signification de cette distinction. En effet, l’identification des différentes procédures, ou le classement des différentes grâces dans une typologie, n’est pas immédiate, en raison notamment d’incertitudes dans l’utilisation du vocabulaire3

Les sources disponibles pour étudier la grâce en Brabant sont classiques et diverses : il s’agit de la législation, de la doctrine ou la théorie4, des comptes du droit du sceau et enfin des registres de la Chambre des Comptes contenant des copies de lettres de grâce. 

Cette dernière source se compose des éléments suivants : elle contient des copies de lettres, les titres de ces lettres et des tables des matières. Les copies elles-mêmes contiennent différents éléments : la supplication du justiciable, la formule de l’octroi de la grâce et sa qualification finale5

A la lecture de nos sources, il est apparu que l’établissement de l’appartenance d’une lettre à telle ou telle procédure pouvait être sujette à interprétation et qu’il existait des intersections entre les ensembles des pardons, des rémissions et des abolitions. Par exemple, dans cette lettre dont les différents éléments renvoient successivement à la grâce, au pardon, à la rémission et à l’abolition : Charles, Savoir faisons a tous presens et advenir nous avoir receu lhumble supplication de Jehan Brant […] attendu la bonne fame renommee et vertueuse conduicte dudit suppliant et aultrement il nous a tres humblement supplié et requis POUR CE EST IL que nous les choses dessus considerees audit suppliant inclinans a sadite requeste et luy veullans en ceste partie preferer grace et misericorde a rigeur de justice […] avons remis quité et pardonné remectons, quiltons et pardonnons de grace especiale par ces presentes les cas et messus dessus declairez […] abolissant et mettant a neant le proces encommenché ala cause dite allencontre dudit suppliant ensemble touttes procedures sur ce ensuyvies […] cette presente grace et pardon6. Le texte renvoie à la grâce, à la rémission, au pardon et à l’abolition, il se finit par une référence à la « grâce et pardon ». Dans ce cas, les différences se juxtaposent ou se combinent entre elles. 

L’absence de distinction claire, immédiate et radicale entre les procédures ne se limite pas au seul cas du Brabant. On trouve dans d’autres contextes des lettres de grâce qui renvoient à plusieurs types de procédures en même temps, entre autres à la rémission et au pardon ou à la rémission et à l’abolition. C’est par exemple le cas pour certaines des lettres d’abolition octroyées par le roi de France Charles VII. Leurs textes, cités par Claude Gauvard, précisent : Quicte, remet et pardonne tous les maulx et delitz par euls perpetrez depuis le traictié fait a Arras jusques a la date des dictes lectres contre toutes personnes et adnulle et mect au neant tous proces qui par raison de ce estoient ou pourroient estre intentez7.

En théorie (comme en pratique ?), la grâce du pouvoir politique dans le champ judiciaire remonte à la plus haute antiquité8 (elle est quasi immémorielle). Cet aspect ancien de la grâce est affirmé dans la législation brabançonne : la keure de Bruxelles de 1229 fait état de la possibilité d’échapper à la loi du talion qui prévoit caput pro capite, membrum pro membro dematur par le biais d’une gratiam ducis9. A la fin du XIVe siècle, toujours dans la ville de Bruxelles, un règlement concernant les bannis spécifie qu’ils peuvent recevoir des gracie oft remedie, sous forme de lettres de la part du duc ou de ses officiers10. On lit encore que la rémission est considérée comme accoustumée au même titre que la grâce, par exemple dans un texte flamand de 140911. Enfin, le texte de 1461 au sujet de la justice à Bruxelles affirme que mondit seigneur et ses devanchiers ont aussy touiours usé de bailler grace et remission12. Ces différents textes normatifs montrent que le prince affirme l’ancienneté de son droit de grâce13. A partir de cette ancienneté affirmée de la grâce, il importe de comprendre les modalités de son application, que ce soit la source de la grâce14, la forme qu’elle prend15, ou encore la fréquence de son  application16. L’étude des transitions et des ruptures entre un rappel de ban – ancien et municipal -, une composition – centrée sur le XVe siècle et aux mains des officiers du prince – et une rémission princière et moderne, permet d’historiciser l’époque du développement de la lettre de rémission et des autres lettres de grâce17

En plus de l’ancienneté de la grâce, la législation montre comment peuvent se combiner ses diverses appellations et ses différentes formes. Un texte brabançon de 1407 parle de gracie of genade18; en français, un texte de 1412 parle des lettres de grace ou remission, texte auquel le roi de France Charles VI fait écho en évoquant des lettres de pardon et remission, et de grace ou remission. Le texte brabançon de 1459 est particulièrement clair : que nul desdiz officiers de justice ne pourra doresnavant donner ou rendre notre pais de Brabant a aucun homicide ou autre qui aura fourfait la vie pour quelconque cas que ce soit, ne donner remission, sans pour ce payer finance a nostre proufit, attendu que faire grace et donner pardon sanz finance en nosdiz pais et duchié appartient a nous seulement et a nul autre. Le vocabulaire est plus cumulatif qu’exclusif. Une ordonnance générale de 1516 énumère encore grâce, abolition, rémission et pardon

La législation montre que plusieurs types de grâce peuvent être associés : il n’y a pas d’opposition formelle et radicale entre une grâce, un pardon, une rémission, et même une abolition ou une composition. 

Pour être valables, les lettres de grâce accordées par le prince doivent être scellées, ce qui nécessite le payement d’un droit du sceau à l’audiencier de Brabant, droit qui fait l’objet de tenue de comptes, à savoir les comptes du droit du sceau19. Ceux-ci consistent en une longue suite de notices qui se présentent de la manière suivante : elles mentionnent le type de grâce accordée, parfois le cas pardonné, le bénéficiaire de la grâce, certaines clauses de l’octroi, la date de remise de la lettre et enfin le coût du scellement : Van eender remissien van dootslage voere Janne Brenier gelast met amende civile als blijct byder copien hier mede overgegeven de data inde maent van januari anno xvc ende xxii saint mayeurs, xxx sous20

Cette source permet d’énumérer les différentes procédures de la grâce ; elle renseigne successivement des lettres de rémission, de pardon, d’abolition et de rappel de ban21 : Van eender remissien voer Jacop Heynre zoone belast met civile beteringe gedateert de mense november anno xxxi22; Van ender abolitien met inckelen steerte voere Benedictus Centurion van infractien van arreste Gelast met amende van hondert [livres] data vie january anno xxii23Een pardoen met amende civile voere Edewaerde ende Janne van Wachelgem gebrueden de data xxv february xvc een24 ; Een rappel van banne voere Steven le Waffelier Gareelmake, Colaerde Sammone ende Gielyse Cosselet met ynckelen steerte de data van jannuary anno xvc geteykent Haneton Getaxeert voere cleken eenen peter25.

Les comptes du droit du sceau ont pour avantage de montrer en même temps la possibilité de combiner plusieurs procédures dans la même lettre de grâce (et l’absence d’opposition radicale entre ces procédures) et la précocité de l’indépendance de chacune des procédures. On voit, dès le XVe siècle, des notices qui renseignent sur des procédures « pures », sur des lettres qui ressortissent d’une seule procédure ; on lit aussi des notices qui renseignent des lettres qui visiblement ressortissent conjointement de deux procédures, par exemple : Van eenen pardoene ende abolitie sonder amende civile ende oic interinement voere Janne Molleken van dat hij tegen de privilegien vanden lande van Brabant hadde brynnen26; Van eender remissien ende abolitien voere Janne Stane van zekere mesusen bij hem geperpetreert27. Ces doubles procédures apparaissent dans les comptes du droit du sceau jusque dans les années 1590. D’un point de vue critique, notons que les rédacteurs es comptes du droit du sceau ont favorisé une logique… comptable28. Au contraire, les rédacteurs des lettres de grâce et de leurs copies ont préféré une logique juridique. Il faut admettre un avantage critique à ces copies par rapport aux renseignements contenus dans les comptes quand il s’agit de déterminer les procédures qui ont été suivies. 

Dans des registres de la Chambre des Comptes29, figurent certaines copies de lettres de grâce. Les différentes lettres que nous analysons se suivent physiquement dans ces registres. Dans plusieurs registres, une autre main a ajouté, plus tardivement, un titre à certaines copies. Enfin, au XVIIIe siècle, certains registres se sont vu adjoindre une table des matières. 

Les titres des lettres ainsi que les tables des matières des registres sont inexploitables dans une étude des procédures suivies dans les grâces. En effet, les titres et tables des matières confondent trop souvent ces différentes procédures. Par exemple, dans certains registres, toutes les grâces sont identifiées par leur titre comme des « rémissions » alors que certaines sont clairement des abolitions ou des rappels de ban. Dans d’autres registres, un problème de langue se pose : les lettres rédigées en français sont désignées comme « pardons » alors que les lettres rédigées en thiois sont désignées comme « remissie », quelle que soit la procédure effectivement décrite dans les copies en question30

Comme nous l’avons signalé, dans les copies des lettres elles-mêmes, trois éléments sont susceptibles de nous renseigner sur les procédures suivies : la requête du suppliant, l’octroi de la grâce et la qualification finale de la lettre. Par exemple : Si nous a ledict remonstrant bien humblement supplié qu’il nous pleuist luÿ pardonner le susdict cas avecq toutes peines crimineles et civiles et luÿ en faire despescher noz lettres patentes de rémission à ce servantes. POUR CE EST IL […] Inclinans a sadicte requeste avons (au cas susdict) quitté, remis et pardonné. Quitons, remettons et pardonnons de grace especiale par cettes le cas et homicide dessusdict […] Ilz et tous aultres noz justiciers et officiers et aussy ceux de noz vassaux facent, seuffrent et laissent ledict suppliant de nostre présente grâce, rémission et pardon selon et par la forme et maniere que dit est, playnement, paisiblement, et perpetuellement jouyr et user31.

Les requêtes permettent de montrer les différents registres de vocabulaire qui peuvent coexister dans la même lettre : quand un justiciable demande au souverain de lui pardonner son crime, il ne fait pas nécessairement référence à la procédure particulière du pardon ; par contre, quand la lettre se qualifie elle-même de « grâce, pardon et rémission », elle use de différents qualificatifs qui s’inscrivent, selon nous, dans un champ strictement pénal. 

La requête permet aussi de voir le caractère englobant de certaines appellations : par exemple, dans les exemples précédemment cités, les rémissions représentent une catégorie particulière des grâces et des pardons en général. L’inclusion des lettres de rémission dans un ensemble plus large qui englobe tous les types de lettres de grâce et de pardon nous a incité à tenter de comprendre les rapports entretenus entre les différentes procédures de la grâce princière à l’aide de la théorie des ensembles. L’ensemble des grâces serait le plus étendu. Il comprendrait l’ensemble des lettres de pardon. Ce dernier comprendrait à son tour au moins trois sous ensembles : les rémissions, les rappels de ban et les abolitions. Entre ces trois sous ensembles, il existerait un certain nombre d’intersections. 

Schéma 1 : les lettres de grâce en Brabant, une vision en terme d’ensembles 

On note que l’ensemble des rémissions et des abolitions sont inclus dans l’ensemble des pardons (rémissions C pardons ; abolitions C pardons). L’intersection « 1 » est vide (rémissions ∩ abolitions ∩ rappels de ban = {}). Cela signifie que, dans le cas du Brabant, on n’a trouvé aucune lettre qui soit à la fois une rémission, une abolition et un rappel de ban32. Le sous ensemble « 2 » (rappels de ban/pardons) correspond à une seule et unique copie de lettre de rappel de ban qui ne fait pas de référence au pardon et à une hypothèse selon laquelle certaines notices des comptes du droit du sceau pourraient renvoyer à cette catégorie des rappels de ban qui ne sont pas des pardons (nous ne développerons pas ici cette hypothèse sur le rappel de ban). 

La formule de l’octroi de la grâce est centrale dans l’ensemble des processus décrits par la lettre. Nous considérons l’emploi des verbes dans cette formule comme éponyme par rapport à la procédure suivie, suivant en cela tant Georges Tessier que Claude Gauvard33: les lettres qui utilisent le verbe « remettre » sont des rémissions, les lettres qui utilisent le verbe « pardonner » sont des pardons, etc. Notons que l’aspect éponyme de l’utilisation d’un verbe dans un texte de l’époque est loin d’être immédiat comme le note Jean-Marie Cauchies à propos des ordonnances: les textes dans lesquels les princes usent du terme « ordonner » ne doivent pas être systématiquement conçus comme des ordonnances, c’est-à-dire des textes normatifs qui prétendent avoir force de loi34

La formule de l’octroi de la grâce permet de voir que les différents éléments de cette grâce ne s’appliquent pas nécessairement sur les mêmes éléments. C’est par exemple le cas dans certaines abolitions et certains rappels de ban : Avons quité remis et pardonné quitons remectons et pardonnons de nostre grace especiale le cas et mésus […] Abolisant et mectant au neant le proces par nostredit procureur contre luy intenté. Ou encore dans l’exemple suiavnt : Avons quicté et pardonné, quictons et pardonnons par ces presentes linfractions de prison cy dessus mencionee et de nostre plusample grace avons rappellé et mis rappellons et mectons a neant le ban tel que contre luy a loccasion dicelle infraction a esté prononcé. Dans ces cas, le pardon et la rémission s’appliquent au cas criminel, tandis que le rappel de ban s’applique à la peine encourue et l’abolition aux procédures et poursuites engagées. 

Au contraire, dans d’autres exemples, on constate que les verbes employés dans la formule de l’octroi de la grâce agissent de concert et portent visiblement sur le même élément : Avons quicté pardonné et aboly, quictons pardonnons et abolissons de grace especiale par ces presentes tout ce qu’at cause dicte et qui en depend il peult avoir mesprins offense ou encourru envers nous et justice

L’aspect éponyme des verbes utilisés implique, par exemple, que toutes les rémissions, comme les abolitions, sont aussi des pardons – puisqu’elles usent du verbe « pardonner » – et que certaines abolitions sont aussi des rémissions – puisqu’elles usent du verbe « remettre ». Il faut appréhender les rapports entre les procédures en termes d’enchâssement de divers ensembles et sous ensembles. 

La formule d’octroi de la grâce confirme aussi la possibilité de voir cohabiter plusieurs procédures dans la même lettre, comme nous l’avons vu dans les comptes du droit du sceau. 

Enfin, la qualification finale de la grâce montre encore la cohabitation et la complémentarité  des diverses procédures : Que tous seuffrent et laissent ledit suppliant de noz presentes grace quictance remission abolicion et pardon selon et par la maniere que dit est jouir. Cette qualification montre que les différents éléments de la grâce – pardon, rémission, abolition, etc. – doivent être compris de manière englobante et pas uniquement dans une optique de grâces juxtaposées. 

A la fin de ce panorama des sources, il reste à déterminer la critique à appliquer à l’ensemble de ces informations, surtout quand on constate l’existence d’incohérences au niveau de l’identification de la procédure suivie par une lettre, comme dans l’exemple suivant : Onse opene brieven van pardoene ende abolitie […] in dit sack gratie ende genade prefereren voer strangheyt van justicie iunderlinge soein aensieninge […] hebben inde gevalle als boven vergheven quytgescholden ende geremitteert vergeven schelden quyt quyte en remitteren uuyt onser iunderlinger gratie […] onse gracie pardoene ende abolitie35

Notons que dans notre échantillon de 384 lettres, ces incohérences ne sont pas nombreuses. Elles sont plus nombreuses dans les lettres rédigées en thiois (qui représentent 85 % du corpus documentaire) que dans les lettres rédigées en français. 

Dans les études de cas, il faut écarter la législation et la doctrine, trop générales. Il faut aussi écarter la requête du suppliant parce qu’elle peut se révéler imprécise et que le prince peut ne pas y accéder, par exemple dans le cas de cette lettre du mai 1604 : Jean Steelant bailly de Burcht a demandé une abolition (il nous a supplié tres humblement que laissant la voye de riguer nous soyons seruiz d’user de grace en son endroit et luy pardonner le cas susdict avecq toutte amende et civile avecq qu’en depende luy accordant a ces fins lettres patentes d’abolition sans clamme d’interinement) mais reçoit une rémission (Avons quicté, remis et pardonné, quictons, remectons et pardonnons)36. Restent essentiellement les comptes du droit du sceau, les formules d’octroi de la grâce et la qualification finale de la grâce. Du point de vue juridique qui nous occupe, les comptes sont à écarter car ils suivent une logique… comptable, comme nous l’avons signalé et comme cela se remarque dans les lettres qui sont indéniablement des abolitions mais qui sont identifiées comme des pardons dans les comptes du droit du sceau, parce que le prix du scellement est identique (12 sous et 9 deniers)37. En ce qui concerne les copies des lettres, il nous semble qu’il faut s’attacher au vocabulaire employé et identifier la procédure d’une grâce si et seulement si elle emploie ne fût-ce qu’une seule fois les termes liés à la procédure, c’est-à-dire que dès que l’on voit apparaître le terme pardon, abolition ou rémission, on doit considérer la lettre comme telle. A l’inverse, si ces termes n’apparaissent pas, on refusera l’identification de la lettre comme telle. 

Cette méthode implique que toutes les lettres de grâce sont des pardons. Elle impliquerait aussi que les pardons et les rémissions qui incluent des mises à néant sans que le terme « abolition » apparaisse ne seraient pas des abolitions, mais cette dernière hypothèse reste à démontrer. 

Cette méthodologie, pour radicale qu’elle soit, nous semble le mieux respecter la forme diplomatique des lettres patentes de grâce accordées par le duc de Brabant. Elle rend justice à l’importance des formules de chancellerie de la seconde partie de ces lettres qui sont toujours copiées dans leur intégralité dans le contexte qui nous retient ici, contrairement à la situation que l’on observe dans les archives françaises de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle : dans ces archives, la seconde partie de la lettre est quasi systématiquement fortement abrégée. 

Pour résumer, il importe de ne pas lier la procédure suivie au cas criminel pardonné, remis ou aboli. Il faut admettre que les différentes procédures fonctionnent de manière complémentaire et sans nécessaire opposition entre elles. On posera l’hypothèse que la présence d’une « mise à néant » dans une lettre n’implique pas nécessairement que la grâce soit une abolition. Enfin, nous considérons que les renseignements glanés dans les copies des lettres doivent primer, au niveau de la définition des procédures, sur les renseignements contenus dans les comptes du droit du sceau.  

En conclusion, j’aimerais citer assez longuement un texte de Georges Tessier qui, d’un point de vue méthodologique, me semble être toujours d’actualité et applicable à la situation brabançonne : « Par-dessus les dénominations particulières servant à désigner chaque espèce dans la floraison des lettres de chancellerie, on trouve au Moyen Age, surtout à partir du XIVe siècle, sous la plume des juristes, des magistrats, des praticiens et dans les textes législatifs des expressions générales plus compréhensives [que les différents types particuliers de lettres de chancellerie]. C’est ainsi que l’on rencontre couramment les noms de lettre de grâce, lettre de justice, lettre de finance, lettre de sang. Il ne faudrait pas se représenter ces catégories comme des genres à l’intérieur desquels viendraient se ranger automatiquement les différentes espèces de lettres royales. D’autre part, certaines catégories chevauchent les unes et les autres. Il s’agit en tout cas de cadres assez élastiques dont le contenu a varié. Il est arrivé par exemple que certaines lettres de grâce ont été considérées à partir d’un moment donné comme lettres de justice. Enfin, les notions que recouvrent tous ces mots ont un caractère empirique. On les dénaturerait en leur reconnaissant une valeur scientifique et il semble bien que les théoriciens et praticiens de l’Ancien Régime les aient maniées sans grand souci de rigueur et de précision »38.

  1. H. DE SCHEPPER en M. VROLIJK, Prinselijke genade en gebruikelijke compositie in de Bourgondische Nederlanden, 1384-1633, in J. HOAREAU-DODINAU en P. TEXIER (onder de richt.), juridische antropologieën. Stone Braun-melanges, Limoges, 1998, p. 238. []
  2. L. MORELLE, Brief, in C. GAUVARD et al. (onder de richt.), Woordenboek van de Middeleeuwen, Paris, 2002, p. 829. De definitie van vergevingsbrieven die voor minder ernstige gevallen worden verleend, is te vinden in het Littré de 1958 Brieven van vergeving, die de prins verleende tot kwijtschelding van de straf voor bepaalde misdrijven die minder ernstig waren dan die waarvoor gratiebrieven nodig waren”, E. LITTRE, Woordenboek van de Franse taal, Paris, 1958 [nelle ed], p. 840. Merk terloops op dat deze definitie het werkwoord teruggeven gebruikt, wat meer kan verwijzen naar vergeving en onderscheid maakt tussen vergeving en genade., terwijl de definitie van L. MORELLE beschouwt vergeving als een vorm van genade en onderscheidt het, op het niveau van de ernst van de ten laste gelegde feiten, van remissie. []
  3. De typologie van genade is overvloedig en het onderscheid tussen de procedures is eerder een "conventie" omdat "de woordenschat onzeker is", O. GUYOTJEANNIN et al. (onder de richt.), Middeleeuwse diplomatie, Turnhout, 1993, p. 108. []
  4. We zullen het onderzoek van de doctrine over het recht op gratie negeren (hoofdzakelijk geconcentreerd rond F. WIELANT en J. DE DAMHOUDERE). In werkelijkheid, deze doctrine probeert formeel en absoluut procedures te onderscheiden die:, volgens ons, verweven in de praktijk. De definitie van afschaffing gegeven door J. DE DAMHOUDERE komt niet overeen met de praktijk op het gebied van majesteitsschennis die de auteur beweertin-afgeschaft en die toch soms worden afgeschaft. []
  5. Let daar op, meestal, de Franse gratiebrieven uit het Trésor des Chartes uit het einde van de 15e eeuwe eeuw en het begin van de XVIe eeuw omvatten niet de laatste twee elementen van de identificatie van de gevolgde procedure, omdat ze erg afgekort zijn. []
  6. Algemeen Archief van het Koninkrijk, Brussel (geciteerde AGR), Rekenkamer (geciteerde CC) 641, juli afschaffing 1541, volg. 171 r°-173 v°. []
  7. afschaffing van 1452, C.GAUVARD, Vergeven en vergeten na de Honderdjarige Oorlog: de rol van opheffingsbrieven van de Franse Koninklijke Kanselarij, in R. MARCOWITZ en W. PARAVICINI (onder de richt.), Vergeven en vergeten? Post-beroepsdiscoursen over het verleden, burgeroorlog en revolutie. vergeven en vergeten? Verhandelingen over het verleden na de bezetting, burgeroorlog en revolutie, München, 2009, p. 29, het is onze nadruk. We vinden dezelfde "opeenhoping" van referenties in Gascon-afschaffing, P. PRETOU, Justitie en samenleving in Gascogne aan het einde van de middeleeuwen: 1360-1526, doctoraatsthesis van Paris I Panthéon-Sorbonne, 2004, Waardebonnen. []
  8. P. DUPARC, De oorsprong van gratie in het Romeinse en Franse strafrecht van het Benedenrijk tot de Renaissance, Paris, 1942, 193 p. []
  9. Brussels kantoor van 1229, F. FAVRESSE(red.), De Brusselse Keur van 1229, inBulletin van de Koninklijke Commissie voor Geschiedenis, 98, 1934, p. 311. []
  10. Regelgeving betreffende degenen die uit de stad Brussel zijn verbannen uit 29 oktober 1383,De gebaren van de hertogen van Brabant door Jean de Klerk, uit Antwerpen [De Brabantsche Yeesten of rymkronyk van Braband door Jan de Klerck, van Antwerpen], J. F. WILLEMS (red.), t. l, Brussel, Koninklijke Commissie voor Geschiedenis, in 4O II, 1839, p. 655. []
  11. Ordonnantie gericht aan de Raad van Vlaanderen van 17 augustus 1409, CRALO, 1is serie, vol. 3: Johannes de onverschrokken verordeningen 1405-1419, J.-M. CAUCHIES (red.), Brussel, 2001, p. 152-158. []
  12. Volgorde van 21 mei 1461,ibid., 1is serie, vol. 4Verordeningen van Filips de Goede voor de hertogdommen Brabant en Limburg en de overzeese landen, 1430-1467, P. GODDING (red.), Brussel, 2007, p. 508-512. []
  13. Om te vergelijken:, in het graafschap Vlaanderen, vóór het aan de macht komen van de hertogen van Bourgondië, de graaf verleende al gratie (tijdens zijn Blijde Intocht of voor Goede Vrijdag), M. BOONE, “Want remitteren is princelijck.” Vorstelijk genaderecht en sociale realiteiten in de Bourgondische periode, in L. VAN PARIJS (onder de richt.), Het boek van de Vrienden van Achiel de Vos, Evergem, 1989, p. 53. []
  14. Bijvoorbeeld, het verschil tussen een prinselijke kwijtschelding en een herinnering aan een verbod uitgesproken door een stedelijke autoriteit. []
  15. Bijvoorbeeld, het verschil tussen een remissie en een compositie, X. ROUSSEAU en E. MERTENS DE WILMARS, ‘Concurrentie’ van vergeving en ‘politiek’ van repressie in de Spaanse Nederlanden in de 16e eeuw. Over de zaak Charlet, 1541, in J. HOAREAU-DODINAU et al. (onder de richt.), Vergiffenis, Limoges, 1999, p. 385-417, of tussen een kwijtscheldingsbrief en een mondelinge gratie(zie over dit laatste verschil in het bijzonder C. GAUVARD, De koning van Frankrijk en de regering door genade aan het einde van de middeleeuwen. Ontstaan ​​en ontwikkeling van een justitieel beleid, in H. GIERST (onder de richt.), Pleidooien en verzoeken. Overheid door genade in het Westen (XIIe-XVe eeuw), Rome, 2003, p. 377-378. []
  16. C. GAUVARD spreekt van een "kwantitatieve sprong" over remissie in het 14e-eeuwse Frankrijke eeuw: deze procedure bestond eerder, het vermenigvuldigt zich tot het punt dat het een "instrument van de overheid" wordt, ibid. []
  17. X.ROUSEAUX, De repressie van moord in West-Europa, inGenesis. Geschiedenis en sociale wetenschappen, 19, 1995, p. 122-147. []
  18. Over de speciale betekenis van deze termen:, voir M. VROLIJK, Recht door Elegantie: gratie bij doodslagen en andere delicten in Vlaanderen, Holland en Zeeland (1531-1567), Hilversum, 2004, p. 16-32. []
  19. AGR, CC 20781 en volgende, zegelwet rekeningen. In mei is het rechtszittingsbureau Brabant opgericht 1442, E. LAMEREE, Ongepubliceerde documenten ten dienste van de ontstaansgeschiedenis en toeschrijvingen van het publiek in het oude Nederland, in Bulletin van de Koninklijke Commissie voor Geschiedenis, 5e serie, 7, 1897, p. 145-232. []
  20. AGR, CC 20786, rekening houdend met de wet van het zegel, 1522, 11e uitglijden, volg. 9 v°. []
  21. We zullen hier niet ingaan op de kwestie van de classificatie van deze verschillende brieven als "brieven van gerechtigheid"., "brief van bloed" of "letter van genade". dit debat, wat ons in de praktijk een beetje zinloos lijkt, trok de aandacht van sommige historici; we presenteren het in onze doctoraatsthesis. []
  22. AGR, CC 20787, rekening houdend met de wet van het zegel, 1532, uitglijden 12, volg. 7 v°. []
  23. GR, CC 20786, rekening houdend met de wet van het zegel, 1515-1526, 11e uitglijden, volg. 11 v°. []
  24. AGR, CC 20785, rekening houdend met de wet van het zegel, 1502 [NS.], 3e uitglijden, volg. 8 v°. []
  25. ibid., 1501 [NS.], 2e uitglijden, volg. 7 v°. []
  26. AGR, CC 20786, rekening houdend met de wet van het zegel, 1522, volg. 21 v°. []
  27. ibid., volg 27 r°. []
  28. Deze informatie kan tautologisch lijken, maar het gebruik van rijke boekhoudkundige bronnen voor zeer uiteenlopende en uiteenlopende doeleinden vereist dat ze onthouden wordt., zie op dit punt X. ROUSSEAUX, Van misdaad naar straf. De rekeningen van de burgemeester van Nijvel (1378-1550), rechtshistorische bronnen, in J. OCKELEY et al. (onder de richt.), Recht in geschiedenis. Een bundel bijdragen over rechtsgeschiedenis van de Middeleeuwen tot de hedendaagse tijd. Aangeboden aan prof. Dr. Fernand Vanhemelryck, Leuven, 2005, p. 297-322. []
  29. Theoretisch in verworven rekeningen van de wet van het zegel, zoals zoveel ondersteunende documenten, L.-P. GACHARD, Inventaris van Audit Bench-archieven, voorafgegaan door een historische opmerking over deze oude instellingen, Brussel, 1837, p. 52. Volgens ons, de status van de afschriften van de brieven moet gedeeltelijk worden herzien. []
  30. Meneer FRANCOIS, Opmerking over kwijtscheldingsbrieven getranscribeerd in de schatkistpapieren van het charter, in Charter School Bibliotheek, 103, 1942, p. 317, dezelfde moeilijkheid ondervindt als de taal die wordt gebruikt in de inhoudsopgaven van de registers die hij bestudeert, tabellen geschreven in de XVIIIe eeuw. []
  31. AGR, CC 654, september remissie 1618, sans fol []
  32. In de Franse archieven (Schat van de charters), we hebben verschillende letters gevonden die beide remissies zijn, afschaffing en terugroepacties van verbodsbepalingen. Bijvoorbeeld: Afschaffing voor William Baille: We hebben alle gevallen van strafbare feiten en kwade spreuken hierboven gezegd stop overgave afschaffen en vergeven en door deze geschenken van onze speciale genade, duidelijke macht en koninklijk gezag, quictons abolissons remectons et pardonnons met alle strafrechtelijke en civielrechtelijke boetes en lijfstraffen ter gelegenheid van de bovengenoemde gevallen zou het tegen ons en justitie kunnen worden opgelopen Door alle beroepen, vonnissen, verbanningen teniet te doen of defaulx en andere rechtsfeiten die tegen de genoemde smekende sen zouden kunnen worden gevolgd […] genade abolicion quictance remissie en vergeving, EEN, schat aan charters, JJ 221, handelen 51, kwijtschelding, afschaffing en terugroeping van ban de mai 1490. []
  33. G. TESSIER, Franse koninklijke diplomatie, Paris, 1962, p. 262. C.GAUVARD, De griffiers van de Franse koninklijke kanselarij en het schrijven van kwijtscheldingsbrieven in de 14e en 15e eeuw, in Schrijven en macht in middeleeuwse kanselarijen : franse ruimte, engelse ruimte, Leuven, 1997, p. 287. []
  34. J.-M CAUCHIES, Wetgeving in de Bourgondische Nederlanden: stand van de vraag en onderzoeksperspectieven, inRechtsgeschiedenis recensie, 61, 1993, p. 375-386. []
  35. AGR, CC 649, afschaffing van jou 16 Kunnen 1582, volg. 353 r°-359 r°. []
  36. AGR, CC 653, kan remissie 1604, volg. 233 v°- 234 v°. []
  37. Bijvoorbeeld de afschaffing verleend aan Jehan de Chantrain (gebruik van het werkwoord afschaffen, aanwezigheid van vernietiging en kwalificatie van afschaffing), AGR, CC 639, afschaffing van jou 26 oktober 1531, volg. 18 v°-19 v°, geïdentificeerd als gratie in rekeningen van de zeehondenwet xie november: Van eenen pardoene met dobbelen steerte belast met civile beteringe ende enterinement voer Jan van Chantrain in daten xvi octobris anno xxxi, AGR, CC 20787, rekening houdend met de wet van het zegel, 1532, uitglijden 12, volg. 4 r°. []
  38. G. TESSIER, diplomatiek, p. 254. []

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